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Prix Inédits d’Afrique et d’Outremer 2018

Prix Inédits d’Afrique et d’Outremer 2018

La cérémonie vue par les élèves du lycée Rabelais de Dugny

 

Après un bref déjeuner à la cantine ou dehors, les cinq représentants de la classe 2STHR, Julien Bifouma, Kevin Chen, Yanis Haouas, Dylan Leroux et Maxime Zheng sont montés dans le 249 direction porte des Lilas, avant de redescendre à pied l’avenue Gambetta jusqu’au Tarmac où les attendaient Pascale Grillandini, la compagnie Issue de Secours et le personnel du théâtre.

Rapidement, ils se sont répartis en trois ateliers avec les autres lycéens présents : un atelier « discours de cérémonie », un atelier « lecture des premières pages de la pièce », et un autre « fausse interview des personnages « .

La pièce récompensée, Sœurs d’ange d’Afi Gbegbi (Togo), parle de trois femmes réunies dans un cimetière en dehors des heures d’ouverture sur la tombe de leur mari commun pour se venger de toutes les souffrances qu’il leur a fait subir.

Le travail a été efficace grâce à la bonne ambiance générale et à l’encadrement du personnel. Tout s’est très bien passé, filage compris, et en attendant la cérémonie, tout le monde est allé au bar où était organisé un buffet, occasion de créer des liens avec les élèves des autres lycées.

A 19 h tout le monde était rentré, billet en main, dans la salle où s’étaient mélangés des spectateurs extérieurs. Malgré quelques problèmes de connexion, Afi Gbegbi est rapidement apparue, souriante mais concentrée.

Le premier groupe a déployé collectivement l’argumentaire qui avait permis à la pièce de remporter le prix lors des délibérations finales. La réaction de l’intéressée a tenu en un mot : « Wow ! » Puis la lecture s’est faite, et enfin la fausse interview, un groupe de policiers faisant irruption dans le cimetière et interrogeant les trois femmes.

Afi Gbegbi est apparue émue mais aussi très souriante et très heureuse. Elle s’est amusée de l’interview qui ouvrait des possibilités auxquelles elle n’avait pas songé avant de conclurequ’il ne lui restait plus qu’à réécrire toute la pièce.

Afi Gbegbi a ensuite accepté de répondre aux questions des personnes présentes. Elle s’est entre autres exprimée sur la fin de la pièce, fort mystérieuse, qui avait prêté à de nombreuses discussions parmi les élèves. En effet, dans la pièce, le sol s’ouvre soudain, un escalier lumineux se dessine et les troisfemmes, curieuses, descendent et disparaissent. Cela voulait-il dire qu’elles étaient mortes ? Qu’elles tombaient en enfer ? Qu’elles restaient sous l’emprise de leur mari à la fois aimé et haï ? La réponse d’Afi Gbegbi s’est avérée tout autre : dans son esprit, il s’agit d’une mort symbolique qui doit mener la femme à une forme de renaissance, débarrassée de tous les préjugés et de toutes les traditions qui la mettent dans la dépendance de l’homme. Elle a souligné ce paradoxe curieux : ce sont les femmes qui éduquent les hommes, mais à un moment ou à un autre, ceux-ci prennent la liberté de les dominer. Quel est le moment mystérieux où les choses basculent ?

Eric Kwégoué, le lauréat de 2017 pour Igonshua et venu passer le relais, a chaleureusement félicité Afi Gbegbi, en soulignant que peu de femmes en Afrique faisaient du théâtre et que ce prix consistait à ce seul point de vue un événement. Il s’est aussi permis une question intime que Julien Bifoumabrûlait de poser sans oser le faire : Afi Gbegbi s’était-elle inspirée de sa propre histoire, ou d’une histoire survenue dans le cercle familial ? Courageusement, Afi Gbegbi a admis qu’elle avait compilé plusieurs histoires, dont la sienne, une réponse qui n’a pas surpris Eric Kwégoué car, selon lui, il était impossible que tant de détails concrets sur la situation des trois femmes soient entièrement sortis de l’imagination de l’auteur. En plaisantant, il a évoqué la situation de sa propre famille,son père ayant épousé six femmes : « Si mon père avant été là, Afi, il t’aurait mis son poing dans la figure ! » Dénoncer l’injustice de la polygamie et des mariages forcés au théâtre est décidément un acte audacieux dans certains pays d’Afrique noire.

Malgré l’ancrage de la pièce dans la culture africaine, visibleau thème du mariage forcé et de la polygamie, au mélange de religion catholique et de vaudou, et à la langue des personnages, Afi Gbegbi a répondu à la question que lui a posée un élève d’un autre lycée sur son choix de ne pas donner de noms à ses personnages par sa volonté de donner à sa pièce une dimension universelle sur la condition des femmes.

Dans le public, un autre spectateur s’est félicité de ce prix : Pascal Paradou, responsable du théâtre à RFI (Radio France International), qui a révélé aux personnes présentes que la pièce avait aussi été sélectionnée par la radio et que la captation de sa lecture au festival d’Avignon le mois prochain serait également diffusée sur RFI, autrement dit dans tous les pays francophones.

A la fin de la soirée, Afi Gbegbi a remercié tous les élèves etles a félicités chaleureusement pour l’énorme travail qu’ils avaient accompli.

Les élèves de la classe remercient Afi Gbegbi ainsi que toute l’équipe du Tarmac, la compagnie Issue de Secours (Pascale Grillandini et Geoffrey Guerrier en particulier) et le théâtre de la Ferme Godier à Villepinte pour ce projet réalisé avec le soutien de la Région Île-de-France.

Les élèves de 2STHR du lycée Rabelais de Dugny

Leurs professeurs, Jean-Luc Forner et Etienne Gomez

 

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